Produire ne suffit pas. Il y a une dimension commerciale dans le métier d’agriculteur, ravivée et hypertrophiée lorsqu’il se lance à vendre lui-même ses produits en circuit court ou en vente directe. Il se trouve là au contact de clients desquels il faut obtenir une décision d’achat. L’entretien de vente, notamment avec un intermédiaire (caviste, restaurateur, économe, GMS, etc.) rompu à l’exercice, est un moment décisif. Comment réussir ? Dans un cours en ligne sur la plateforme www.agrilearn.fr, le consultant indépendant Robin CORDIER, spécialiste de la commercialisation des produits fermiers, en décortique les conditions qu’il organise en six étapes de réussite : préparation, rencontre, découverte des attentes, présentation des produits, traitement des objections, clôture de la vente. Suivons-le guide !
1 - Un entretien de vente bien préparé est quasiment garanti de réussite
Il faut dire qu’une bonne préparation demande de s’y pencher avec attention et donc d’en prendre le temps. L’agriculteur pressé peut être tenté de court-circuiter (sans jeu de mot) cette première étape pourtant cruciale. Erreur fatale ! Il ne faudra pas, ensuite, en reporter la faute sur le client qui n’a rien compris ou qui ne veut rien entendre. Négliger la préparation de l’entretien de vente c’est déjà le saboter. Car cet entretien, quel que soit sa durée, a besoin de bases solides : des éléments d’information justes et tangibles que le prospect ou le client va comprendre et apprécier, qu’il aura envie d’entendre et qui le valoriseront.
L’entretien est un exercice d’improvisation comme un match de tennis ou de foot. Or les grands sportifs et les bonnes équipes travaillent la tactique et les gestes en connaissant leurs adversaires ; il s’entraînent énormément, pas uniquement pour la condition physique mais pour être capables d’improviser dans toutes les situations de terrain. Idem pour le théâtre d’improvisation.
Une préparation soignée permet de se mettre en situation de confort : on sait ce qu’on va dire à quel moment, quelles présentations de produits et leurs points forts, quels arguments, quelles réponses aux objections… sans hésitation ni doute qui pourraient nous mettre en péril face au client. Les techniques de vente permettent de gagner du temps, d’éviter les impairs et les oublis, de gagner en image, en assurance, en professionnalisme dans les propos. C’est sans doute fastidieux la première fois mais la peine n’est rien face au résultat.
Que faut-il donc préparer ? Eh bien d’abord, nous dit Robin CORDIER, mettre les composantes de la vente en perspective, dans leur contexte.
1 – Me rappeler le point de départ
Quelle est l’origine de l’entretien : prospection, recommandation d’un ami, démarche de l’interlocuteur ? Quel en est l’objectif ?
2 – Préciser ma position
Suis-je bien identifié par la personne ? Sait-elle pourquoi je la rencontre ? Qu’en est-il des intentions de l’un et de l’autre ? Sont-elles claires pour moi et pour le client ? Comment vais-je arriver à passer la porte ? Et si je recevais plutôt le prospect sur ma ferme ? Celui qui reçoit se trouve davantage en position de confort. Chez moi, je peux lui montrer toute l’exploitation, toute la gamme de produits. Chez lui ou elle, je dois choisir un échantillon, en ayant anticipé ses attentes. En revanche, là-bas, si je tombe sur une personne lambda du circuit de décision, je peux rebondir tout de suite sur le supérieur, et aussi voir en rayon où je vais implanter les produits.
3 – En connaître le plus possible sur l’entreprise cliente
J’approfondis ma connaissance de l’entreprise et de mon interlocuteur. Dans quel secteur d’activités évolue l’entreprise, quel est son historique, sa vocation ? Quelle est sa culture, quelles valeurs diffuse-t-elle, en particulier dans sa communication à l’adresse de ses clients ? Nos images doivent se correspondre. Je vais me caler dessus. Pas question que mes produits fassent tache dans l’ensemble de ses rayons !
Quelle est l’organisation de l’entreprise ? Qui prend les décisions ? Qui est responsable ? Vais-je pouvoir rencontrer d’emblée la bonne personne ou devoir passer étape par étape ? Par exemple dans une cantine scolaire, il y a le.la cuisinier.ère, l’économe, le.la directeur.trice d’école, voire la présidente des parents d’élèves : trois influenceurs et un décideur : le gestionnaire ou économe.
Combien de clients, quel volume d’affaires des clients ? J’anticipe ainsi la quantité de produits que l’on va me demander d’approvisionner, en adéquation avec mes capacités de production. Quels sont ses fournisseurs actuels ? Pour quels produits ? Aves quel positionnement, quelle image ? Quel volume de produits proposent-ils par rapport aux besoins de l’entreprise ? Quel historique de leur relation ? Quel degré de fidélité ?
4 – Déterminer mes produits à présenter
Quels produits de ma gamme vais-je lui proposer, en correspondance avec ce dont mon interlocuteur aura envie ? Qu’est-ce que j’apporte de plus que la concurrence ou de différent ? Quelle quantité et quels services : livraisons, facturation, délai ? Suis-je disposé à assurer de l’information sur le lieu de vente (ILV) et/ou de la promotion sur le lieu de vente (PLV) ?
5 – Connaître le marché et trouver des relais
Quel est l’état du marché : en pleine croissance, en croisière ou en déclin ? Quels prix sont pratiqués ? Vais-je pouvoir remporter le marché avec ma politique de prix ? Quelles personnes relais dans mon réseau pourront-elles appuyer ma démarche ?
6 – Les ultimes détails (qui n’en sont pas)
Quels sont les codes de l’entreprise ? C’est-à-dire comment m’habiller, quel langage adopter pour me fondre dans le moule sans oublier de rester moi-même en toute authenticité ?
2 - Assurer la phase d'accueil pour établir le lien
Il s’agit de créer un climat de confiance dès l’abord du client, par la ponctualité, la tenue, le visage, la bonne humeur, les gestes modérés. On a coutume d’évoquer les quatre premiers vingt: * 20 premières secondes, déterminantes de la première impression, * 20 premiers gestes, assurés et détendus : démarche, ouverture du corps, poignée de main, * 20 premiers cm du visage (yeux, bouche, oreilles) : regard direct et franc, sourire, écoute, * 20 premiers mots : salutations, rappel du contexte de l’entretien (qui je suis, pourquoi je suis là), sur un ton enjoué mais non conquérant, avec un vocabulaire adapté à la personne.
3 - Partir à la découverte des attentes et besoins du client
Pour la suite, j’ai besoin de connaître davantage le client ; il est donc au centre de mon attention. Il doit le sentir par mon écoute active ponctuée de reformulations. C’est moi qui conduis l’entretien par mes questions, sur le mode de l’entonnoir. D’abord une ou deux questions ouvertes, larges, qui lui permettent de développer ce qui lui tient à cœur : son histoire, ses valeurs, son entreprise, ses projets, peut-être ses manques. En osant le silence !
Resserrer le questionnement à l’aide de la grille de Quintilien1 pour ne rien oublier, en utilisant des questions fermées : Quels types de fromages préférez-vous ? Qui gère les achats ? ou alternatives : Préférez-vous des fromages lactiques ou de type tomme ?
Je reformule les réponses de façon brève et précise pour montrer à l’interlocuteur que je l’écoute et obtenir sa validation. J’ai donc à présent une connaissance claire des besoins du client et de ce qu’il attend.
4 - Présenter le produit pour donner envie
Je vais pouvoir choisir dans ma gamme les produits qui répondent le mieux aux besoins et attentes du client. Pas plus de 2-3 produits, voire 4, maximum. Deux pour laisser le choix au client ; pas plus de quatre pour éviter la confusion.
La présentation des produits doit donner envie au client. Elle parle à sa raison et autant, si ce n’est plus, à son affectivité. À ce propos, Robin CORDER oppose convaincre et persuader. Convaincre fait appel à la logique de l’interlocuteur, en livrant des arguments purement rationnels. Cette démarche peut mettre le client en position d’infériorité, donc d’inconfort2. Persuader, à l’inverse, joue sur la corde de l’émotion en parlant de lui.elle, ses besoins, les bénéfices attendus. La démarche laisse avec empathie la personne se projeter, dans une position d’égal à égal. Oui, je veux vendre, mais surtout que le client soit heureux. Il y a une part de rêve dans la persuasion, mais sans tromperie, sinon la relation se brisera.
Pour présenter le produit de façon fluide, Robin CORDIER propose deux démarches qui peuvent se compléter : CAP et SONCAS.
CAP : C - Caractéristique du produit (descriptif). Une seule caractéristique à la fois. A - Avantage pour le client (réponses à ses attentes) P - Preuve (par des témoignages, voire une dégustation) Cet argumentaire rationnel et cohérent, si possible percutant, peut être présenté dans un ordre ou un autre.
Suit la démarche SONCAS destinée à toucher davantage l’affectivité du client en s’adressant aux axes majeurs de sa motivation, repérés précédemment. Toute décision d’achat résulte en effet d’un équilibre favorable entre motivations et freins. Il s’agit donc de maintenir les motivations au plus haut tout en désamorçant les freins.
SONCAS S : sécurité. Viser à rassurer, offrir une garantie, de la fiabilité, par exemple une référence à des labels, à d’autres utilisateurs, à une expérience personnelle. O : orgueil. Répondre au besoin naturel d’estime de soi, valoriser le client qui se sentira privilégié par un produit exclusif, des pièces d’exception. N : nouveauté. Faire appel à la curiosité du client, son besoin de changement, d’originalité, d’innovation en dépassant les frontières des usages. Par exemple, la remise au goût du jours de produits anciens. C : confort. Promettre qu’il n’y aura pas de difficulté dans la conservation et l’utilisation, du produit. Montrer la simplicité… disponibilité pour l’aider. A : argent. Optimiser le rapport qualité/prix, Montrer le gain, l’opportunité, l’avantage compétitif. Offrir une remise, un geste commercial. S : sympathie. Donner une image favorable de soi par une attitude simple et positive, imprégnée de respect et d’humilité.
Les arguments exposés au client sont choisis en fonction de ses besoins. Le même argumentaire peut prendre en compte deux ou même plusieurs besoins.
5 – Traiter les objections
Il est normal, surtout si le client est intéressé, qu’il oppose des objections. Pas question de les ignorer ni de les balayer.
On rencontre plusieurs types d’objections : Prétexte pour se débarrasser de moi : pas le temps, revenez, pas intéressé… Réelle : c’est le pire obstacle à l’achat puisqu’elle est fondée. Muette : uniquement non verbale. Tactique : le client joueur veut gagner le plus en dépensant le moins, sème le doute, veut obtenir des concessions. Signal d’achat : Quand vais-je être livré si je commande aujourd’hui ? Livraison dès demain, c’est possible ?
Ayons soin de les écouter, les comprendre, pour que le client se sente rassuré bien sûr, mais aussi maître de ses décisions, respecté et compris. La préparation soigneuse de l’entretien permet de ne pas être pris au dépourvu.
6 - Clore la vente
Le client est séduit ; il est persuadé que mes produits répondent à ses attentes ; il reste à l’amener à déclencher son achat. C’est la concrétisation.
Au fait, ai-je parlé du prix ? Au cours de la présentation ou dans la négociation ? Sinon, c’est le moment pour ne pas donner une impression de dissimulation. Je n’ai pas honte du prix que je sais juste. Pour le client, ce doit être un investissement, pas seulement une dépense. Il doit être prêt à l’entendre.
Le signal d’achat est verbal ou non. Il peut venir de lui-même ; le client demande le bon de commande ; c’est l’engagement direct. Il peut manifester une acceptation limitée en opposant une ultime condition sur la livraison, le paiement, l’animation sur le point de vente…
Pour faire advenir la décision, je peux récapituler les avantages que le client a validés, utiliser la pression du temps, de la concurrence ou du stock limité, accorder une ultime concession.
Et puis une fois la décision confirmée, je peux proposer une vente additionnelle : Que diriez-vous de tel produit pour compléter la gamme ?
Le moment est venu de prendre congé. Je ne me sauve pas avec précipitation car lorsque la pression est retombée, une conversation détendue, sans enjeu apparent, me permet de maximiser la satisfaction du client et de glaner des informations supplémentaires sur lui.elle, ses perspectives, le marché. Ainsi s’instaure la fidélisation fondée sur une relation de sympathie et de confiance.
En conclusion, Robin CORDIER rappelle que, pour réussir l’entretien de vente, rien ne doit être laissé au hasard si on ne veut pas se trouver pris au dépourvu. La préparation est essentielle. En face du client, je capte son attention en me focalisant sur ce qu’il exprime en verbal et en non verbal, son regard et ses gestes plutôt que sur ce que je vais lui répondre. Je l’écoute de façon active. Je n’ai pas peur de lui proposer quelque chose d’unique, un arrangement, un service, une modalité. Pour établir le climat de confiance indispensable, j’adopte une attitude qui manifeste ma chaleur humaine pour éveiller la sympathie du client, mon dynamisme pour stimuler son énergie, du calme pour lui laisser le temps de se livrer spontanément, de la politesse pour qu’il se sente considéré, de la confiance en moi pour qu’il ne décèle ni doute ni hésitation mais au contraire la fierté de mes produits.
La vente est finie quand la relation est gagnante pour les deux parties, que l’intermédiaire est fier de présenter mes produits et en parle avec joie et fierté.
D’après la série de vidéos intitulée " Réussir une vente en 6 étapes" dont l’auteur est Robin CORDIER