Fin du statut de collaborateur agricole : quelles solutions pour les couples dès 2027 ?

30 sept. 2025 salarié permalien

La limitation temporaire du statut de collaborateur agricole à une durée maximale de 5 ans à compter de 2027 conduit à examiner les autres statuts applicables. A ce titre, il convient d’analyser les conséquences juridiques, fiscales et sociales des statuts de salarié, d’associé exploitant, de chef d’exploitation ou de co-exploitant.

L’article 3 de la loi n° 2021-1679 du 17 décembre 2021 visant à assurer la revalorisation des pensions de retraites agricoles les plus faibles (dite loi Chassaigne 2) a formulé le principe selon lequel la personne qui devient collaborateur de chef d'exploitation ou d'entreprise agricole ne peut pas conserver cette qualité plus de cinq ans (art. L. 321-5 du code rural).

Cette limitation temporaire du statut de collaborateur agricole s’explique du fait que les droits sociaux dont bénéficient les personnes qui relèvent de ce statut sont limités, notamment au titre du montant de la pension de retraite. Cette mesure conduit les personnes concernées à devoir relever d’un autre statut juridique et social qui confère des droits plus complets, essentiellement en matière de retraite. Ces autres statuts comprennent notamment le statut de salarié, d’associé exploitant, de chef d’exploitation ou de coexploitant.

Cette disposition s'applique à compter du 1er janvier 2022 aux personnes ayant la qualité de collaborateur d'un chef d'exploitation ou d'une entreprise agricole à cette date. La limitation du statut de collaborateur agricole prend effet à compter du 1er janvier 2027 pour les personnes qui relèvent de ce statut depuis le 1er janvier 2022 (voire antérieurement).

En complément, l’article 87 de la loi n° 2025-199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025 a formulé les précisions suivantes : - pour les personnes exerçant au 1er janvier 2022 une activité professionnelle sous le statut de collaborateur, la durée de 5 ans s'apprécie au regard des seules périodes postérieures à cette date. Autrement dit, les périodes antérieures à 2022 sous le statut de collaborateur ne sont pas prises en compte pour l’appréciation de la durée des 5 ans ; - toutefois, si ces personnes atteignent l'âge prévu au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale (c’est-à-dire l’âge de liquidation de la retraite à taux plein, soit 67 ans) avant le 1er janvier 2032, la durée maximale des 5 ans peut être prolongée jusqu'à la liquidation de leurs droits à pension. Cet assouplissement concerne les personnes nées jusqu’en 1964.

Afin d’appréhender le sujet, il est utile d’examiner les différents volets suivants : - l’exigence d’un statut pour les conjoints (pacsés ou concubins) actifs (1) ; - les particularités du statut de collaborateur (2) ; - le statut de salarié (3) ; - le statut de co-exploitant (4) ; - le statut d’associé exploitant (5) ; - le statut de chef d’exploitation (6).

En complément, un premier tableau récapitulatif est joint en annexe faisant la synthèse des particularités des différents statuts applicables. Un deuxième tableau procède à une présentation synthétique des cotisations et des prestations pour chacun de ces statuts.

D’une façon générale, cette problématique concerne les personnes vivant en couple, de sexe différent ou de même sexe, qu’il s’agisse de conjoints proprement dits (c’est-à-dire de personnes mariées quel que soit le régime matrimonial), de personnes ayant conclu un pacte civil de solidarité (PACS) ou encore de personnes en situation de concubinage selon l’article 515-8 du code civil.

1. L’exigence d’un statut pour les conjoints (pacsés ou concubins) actifs

texte alternatif

L’article 9 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « loi Pacte », a complété l’article L. 321 5 du code rural, en vue de clarifier les obligations de déclaration des conjoints collaborateurs ainsi que les conséquences d’une éventuelle non-déclaration.

Cet article précise ainsi que « le chef d’exploitation ou d’entreprise agricole est tenu de déclarer l’activité professionnelle régulière de son conjoint au sein de l’exploitation ou de l’entreprise agricole » et que « à défaut de déclaration du statut choisi, le chef d’exploitation ou d’entreprise agricole est réputé avoir déclaré que ce statut est celui de salarié de l’exploitation ou de l’entreprise agricole ».

En fait, cette exigence d’un statut pour les conjoints-pacsés-concubins exerçant sur l'exploitation ou au sein de l'entreprise agricole une activité professionnelle régulière n’est pas nouvelle puisqu’elle avait été instaurée par l’article 21 de la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d'orientation agricole.

Ainsi, tout chef d’entreprise agricole affilié en tant que non-salarié agricole est tenu de déclarer son conjoint (ou partenaire pacsé) qui travaille au sein de l’entreprise soit comme collaborateur, soit comme salarié, soit comme chef d’exploitation. Désormais, cette déclaration doit être effectuée auprès du Guichet unique des entreprises qui depuis le 1er janvier 2023 a remplacé les centres de formalités des entreprises.

L’apport de la loi PACTE du 22 mai 2019 est de préciser que l’absence de déclaration d’activité professionnelle ou du statut pour le conjoint (pacsé ou concubin) lui vaut d’être d’office considéré comme salarié.

Il est utile de rappeler la jurisprudence de la Cour de cassation qui précise que le travail d’un conjoint sans statut correspond au délit de travail dissimulé (art. L. 8221-1 du code du travail). Cette jurisprudence rendue pour des entreprises non agricoles a toute sa portée pour le secteur agricole. (Cass. 22/10/2002, n° 02-81859 pour un conjoint sans statut ; Cass. 7/03/2012, n° 10-26673 pour un concubin sans statut).

2. Les particularités du statut de collaborateur

texte alternatif

Créé par la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d’orientation agricole, le statut de conjoint collaborateur a été conçu comme un « facteur décisif de modernisation et d’amélioration de la situation sociale des conjoints d’agriculteurs travaillant dans les exploitations ». Ce statut a en effet permis d’apporter reconnaissance et protection sociale aux conjoints d’agriculteurs, en grande majorité des femmes, dont l’activité n’était jusqu’alors pas déclarée, ou sous le statut encore plus limité de conjoint participant aux travaux.

D’une façon générale, le statut de collaborateur vise les conjoints, c’est-à-dire les personnes mariées quel que soit le régime matrimonial, ainsi que les personnes ayant conclu un PACS (pacte civil de solidarité) et les personnes en situation de concubinage.

La création du statut de conjoint collaborateur en 1999 a renforcé la protection sociale des conjoints exerçant une activité dans l’exploitation ou l’entreprise agricole. Depuis, les conjoints collaborateurs bénéficient des prestations de l’assurance maladie et maternité, de l’allocation de remplacement maternité, de l’assurance accident du travail, de la pension d’invalidité et des prestations de solidarité. Ils peuvent prétendre à des prestations familiales soumises ou non à conditions de ressources, ainsi qu’à la formation professionnelle.

Par ailleurs, en 2011, en application de l’article 90 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, la retraite complémentaire obligatoire (RCO) a été étendue aux conjoints collaborateurs.

Si le statut de conjoint collaborateur a permis d’apporter reconnaissance et protection sociale aux conjoints, il reste toutefois un statut précaire. En effet, le conjoint collaborateur, qui ne perçoit pas de salaire propre, demeure dans une situation de dépendance économique par rapport au chef d’exploitation.

Ainsi, l’absence de rémunération ne valorise pas de manière satisfaisante la contribution, souvent importante, du conjoint. Ce statut peut être particulièrement défavorable pour le collaborateur en cas de séparation des personnes concernées si l’entreprise est la propriété exclusive de celui qui est chef d’entreprise (sauf à demander le versement d’une prestation compensatoire en cas de divorce qui ne concerne que les personnes mariées).

Surtout, la protection sociale apportée par ce statut est moins importante que celle apportée par d’autres statuts d’actif agricole. Ainsi, selon une étude de la CCMSA sur la population active féminine en agriculture en 2018, les femmes retraitées du statut de conjoint collaborateur perçoivent une pension de retraite 20 % inférieure à celle des hommes, avec près de 260 euros de moins par mois.

Le constat de ces particularités défavorables du statut de collaborateur a conduit le législateur à limiter l’application de ce statut à une durée maximale de 5 ans à compter de 2027.

Pour mémoire, les cotisations sociales qui doivent acquittées pour les personnes qui relèvent du statut de collaborateur sont les suivantes : - 40 € au titre de l’invalidité (pas de cotisation au titre de la branche maladie) ; - une cotisation au titre de la retraite forfaitaire de 3,32 % sur une base de 800 SMIC horaire ; - une cotisation au titre de la retraite proportionnelle de 11,55 % sur la base de 600 SMIC horaire ; - une cotisation au titre de la retraite complémentaire de 4 % sur la base de 1200 SMIC horaire ; - une cotisation forfaitaire comprise entre 203,25 € et 215,63 € pour un conjoint collaborateur à titre principal au titre de la branche Accidents du travail (ATEXA) ; - une cotisation forfaitaire pour la formation professionnelle au titre de VIVEA égale à 0,137 % du PASS.

Les prestations auxquelles peuvent prétendre les personnes concernées comprennent : - les prestations en nature de l’assurance maladie (prise en charge des frais médicaux, pharmaceutiques, hospitaliers). Cette couverture sans cotisations versées résulte de l’application de la PUMA (protection universelle maladie) qui a remplacé le statut d’ayant droit ; - les prestations en espèces pour les arrêts maladie (avec un montant forfaitaire très limité d’un peu plus de 20 € par jour d’indemnisation) et une allocation de remplacement pour maternité ; - une pension de retraite comprenant une retraite forfaitaire et une retraite proportionnelle limitée à un nombre fixe de points. Il en est de même des points de la retraite complémentaire obligatoire ; - les prestations au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles.

D’une façon générale, le statut de collaborateur agricole est soumis au paiement de cotisations sociales réduites pour donner lieu à l’attribution de prestations sociales limitées.

3. Le statut de salarié

texte alternatif

A la place du statut de collaborateur, il peut être envisagé que le conjoint (ou pacsé ou concubin) relève du statut de salarié. Ce statut est envisageable que l’entité économique soit une entreprise individuelle ou une société.

Certains commentateurs s’interrogent sur la possibilité pour un conjoint d’être salarié, c’est-à-dire sous un lien de subordination de son époux, notamment si l’entreprise est un bien commun appartenant aux deux membres du couple.

Au visa de l’ancien article L. 784-1 du code du travail, la jurisprudence de la Cour de cassation a précisé que l'existence d'un lien de subordination n'est pas une condition nécessaire à l'application du statut de conjoint salarié (Cass. 6/11/2001, n° 99-40.756 ; Cass. 13/12/2007, n° 06-45.243).

Toutefois, lors de recodification du code du travail opérée en 2007 et entrée en vigueur en 2008, l’article précité du code du travail a disparu de façon inexpliquée alors que la recodification devait être réalisée à droit constant. Cela étant, il est permis de penser que la jurisprudence mentionnée ci-dessus conserve toute sa portée.

De plus, rappelons l’’apport de la loi PACTE du 22 mai 2019 précisant que l’absence de déclaration d’activité professionnelle ou du statut pour le conjoint lui vaut d’être d’office considéré comme salarié. Sur ce point, aucune réserve n’est formulée au motif que les personnes concernées sont mariées sous le régime légal de la communauté et que l’entreprise est un bien commun des deux époux.

Afin de conforter la validité de ce statut de salarié, il est recommandé que le conjoint concerné ne s’immisce pas dans la gestion de l’entreprise pour se limiter aux fonctions déterminées par le contrat de travail et la convention collective agricole. A ce titre, il est fortement recommandé de solliciter l’avis de France Travail pour justifier le paiement des cotisations sociales correspondant à l’assurance chômage.

S’agissant des sociétés, il est à noter la pratique qui consiste à ce que le conjoint soit à la fois salarié et associé « non-exploitant » de l’entreprise organisée sous la forme d’une société. Cette solution validée par les juridictions suppose dans cette hypothèse l’existence d’un véritable lien de subordination entre le conjoint et la société employeuse. L’absence de subordination conduit à la requalification des intéressés en associé exploitant redevables à ce titre de cotisations sociales dues en tant que non-salarié.

Dès lors que le statut de salarié est envisagé, il faut en tirer les conséquences suivantes : - l’entreprise doit effectivement procéder au versement d’un salaire soumis au paiement de cotisations sociales qui constituent autant de charges pour l’entreprise. Cela étant, si l’entreprise est soumise à un régime réel des bénéfices, ces prélèvements sociaux diminuent le montant des cotisations dues pour le chef d’entreprise non-salarié, voire éventuellement le montant de l’impôt sur le revenu dû par le foyer fiscal ; - le conjoint salarié bénéficie d’une protection sociale plus complète au titre des différentes branches sociales (assurance maladie, assurance retraite, accidents du travail …).

Le simulateur accessible par le présent lien permet d’avoir une première approche des prélèvements sociaux applicables tenant compte notamment des réductions de cotisations patronales sur les bas salaires (réduction dite Fillon).

Il est à noter la jurisprudence de la Cour de cassation qui considère que la sous-déclaration du temps de travail salarié effectivement réalisé correspond au délit de travail dissimulé.

Le tableau 2 joint en annexe précise de façon plus complète les cotisations et les prestations qui résultent de l’application de ce statut.

4. Le statut social de co-exploitant

texte alternatif

En lieu et place des statuts de collaborateur ou de salarié, les deux membres d’un même couple exerçant ensemble une activité agricole peuvent être chacun reconnus comme coexploitants sur une même entité économique agricole dénommée coexploitation, sans création d’une société d’exploitation agricole.

Plus précisément, cette reconnaissance est admise uniquement sur le plan social permettant à chacun d’être affilié comme chef d’exploitation, personnellement redevable de cotisations sociales et bénéficiaire de prestations sociales propres.

Pour une analyse juridique de la notion de coexploitation agricole : V. La coexploitation. Benoit GRIMONPREZ Professeur des universités

a. Précisions du ministère de l’agriculture et de la CCMSA

Les notions de coexploitation et de coexploitant entendues au sens social ne reposent pas sur des textes législatifs et règlementaires explicites. Ces concepts résultent d’une pratique administrative validée par le ministère de l’agriculture et la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole.

Selon les précisions du ministère de l’agriculture, « la coexploitation est uniquement une donnée sociale et ne correspond en aucune façon à une structure juridique d'exploitation. En effet, le statut de co-exploitants résulte de la possibilité offerte par le régime de protection sociale agricole d'affilier en qualité de chef d’exploitation chacun des époux lorsqu'ils exploitent ensemble et pour leur compte un même fonds agricole. Cette disposition n'a pas pour effet de créer une entité juridique autonome dotée de droits et d'obligations. Par conséquent, les coexploitations ne font plus l'objet de déclarations auprès des CFE agricoles (désormais le Guichet unique des entreprises). L’exploitation doit être déclarée au nom d’un seul des époux » en tant qu’entreprise individuelle. (Lettre du ministère de l’agriculture du 25/09/2000 à l’APCA).

Sur le plan juridique, la coexploitation est une entreprise individuelle au nom de l’un des membres du couple déclarée en tant que telle auprès du Guichet unique des entreprises et immatriculée auprès du Registre national des entreprises (RNE).

Sur le plan fiscal, l’entreprise relève soit du régime fiscal du micro-BA ou d’un régime réel des bénéfices agricoles selon l’importance des recettes réalisées.

Au regard de la réglementation économique de la PAC, l’entité juridique individuelle est titulaire d’un numéro PACAGE au nom du membre du couple déclaré sur le plan juridique comme chef d’entreprise individuelle.

La coexploitation n’étant pas une société n’est pas soumise au formalisme qui régit ce type d’entités juridiques (absence de rédaction de statuts et de procès-verbaux d’assemblées générales, absence d’immatriculation auprès du registre du commerce et des sociétés en tant que sociétés).

Dans ces conditions, les coexploitations ne sauraient prétendre à l’application de la transparence fiscale et économique réservée aux seuls GAEC. Les plafonds et seuils fiscaux ne peuvent pas être multipliés (plafond de recettes du micro-BA, plafond de la déduction pour épargne de précaution, montant des recettes pour l’exonération des plus-values-professionnelles, crédits d’impôt…).

Selon la circulaire de la CCMSA du 26 novembre 1987, « l'égalité des droits des époux sur les biens communs, instituée par la loi du 23 juillet 1985, a pour effet un partage de droits qui permet désormais à l'un comme à l'autre époux de revendiquer la qualité de chef d'exploitation ».

Selon cette circulaire, « les époux communs en biens ont tous deux vocation à avoir la qualité de chefs d'exploitation » (ndr : au sens social).

« Cependant, l'assujettissement aux régimes de protection sociale agricole requiert l'exercice effectif de ces pouvoirs, selon les dispositions du code rural exigeant des personnes visées qu'elles dirigent l'exploitation. Si les deux époux souhaitent désormais exercer conjointement leurs pouvoirs, et compte tenu des nouvelles règles applicables, leur demande d'inscription en qualité de coexploitants ne peut être rejetée ».

« Dans le cadre des modalités d'assujettissement, il doit, en présence d'un bail, être fait référence au droit des contrats. Par suite, lorsqu'une exploitation agricole est mise en valeur en fermage ou en métayage et que le bail n'a été contracté que par un seul des conjoints, seul le titulaire de ce contrat peut avoir la qualité de chef d'exploitation » (circulaire des CCMSA n° 87-187 du 26 novembre 1987). De ce fait, la reconnaissance de sa qualité de coexploitant ne pourra résulter que de la modification du bail initial ou de la conclusion d'un nouveau bail ».

Selon ces précisions, il est permis d’en déduire que les baux doivent être signés par les deux membres du couple en tant que co-preneurs. Rappelons sur ce point que le preneur peut avec l'agrément du bailleur ou, à défaut, l'autorisation du tribunal paritaire, associer à son bail en qualité de copreneur son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité participant à l'exploitation (art. L. 411-35 du CRPM).

« Lorsque deux époux figurent comme preneurs dans le bail, peu importe leur régime matrimonial et seul le contrat doit être pris en compte. En pareil cas une démarche identique à celle suivie en présence de biens communs doit être respectée, ce qui entraîne les conséquences suivantes. Dans ce cas, Si les deux époux souhaitent exercer conjointement leur pouvoir de direction sur l'exploitation, ils peuvent être inscrits comme chefs d’exploitation sur le plan social ».

Dans la pratique, il arrive que le fonds conjointement mis en valeur soit extrêmement composite, c'est-à-dire constitué de biens sur lesquels s'exercent des pouvoirs d'administration très divers. Plusieurs cas de figure peuvent ainsi être envisagés : exploitation composée de biens de communauté, de biens pris à bail par l'époux et de biens propres de l'épouse, exploitation composée de biens propres de l'un et l'autre époux et de terres prises à bail en cotitularité, etc.

« Dans de telles situations, compte tenu des droits dont chacun des époux peut se prévaloir sur les biens composant l'exploitation, les demandes de reconnaissance de la qualité de coexploitant devront être reçues sans qu'il y ait lieu de faire référence à une quelconque proportionnalité de droits de chacun des conjoints sur l'exploitation ».

Exemple (CCMSA) : exploitation composée de 2 ha de biens communs, 20 ha de biens propres de la femme, 8 ha loués en cotitularité → l'inscription en qualité de coexploitants peut tout à fait être admise.

Selon la CCMSA, « il serait en effet injustifiable de privilégier la reconnaissance de l'un ou l'autre époux en qualité de chef d'exploitation, tout particulièrement lorsqu'à l'élément de droit que constitue le partage de pouvoirs s'ajoutent les critères de fait que sont l'unité économique ainsi créée et la direction conjointe ».

b. Affiliation sociale personnelle

Il doit être souligné que conformément au principe précédemment exposé, l’affiliation sociale de chaque membre du couple en qualité de coexploitant reste totalement subordonnée à une demande des époux et ne doit donc pas être systématique.

La première conséquence de l'existence d'une coexploitation entre les époux est de rendre chacun d'eux redevable de cotisations sociales personnelles. Les appels de cotisations effectués à ce titre doivent de ce fait être individuellement notifiés à l'un et à l'autre époux.

Dans ce cadre, les intéressés sont chacun redevables de cotisations sociales minimales d’un montant total d’un peu plus de 3 000 € en présence de revenus faibles ou déficitaires.

A ce titre, il suffit d’atteindre une seule fois le seuil de l’activité minimale d’assujettissement (AMA) contrairement aux associés de GAEC qui doivent justifier d’une AMA par associé.

Cette affiliation sociale en tant que coexploitant ne peut pas concerner les personnes cotisantes solidaires qui par définition ne bénéficient d’aucun statut social auprès du régime social agricole (à l’exception de l’ATEXA (assurance accident du travail).

c. Attribution de la DJA

Concernant l’attribution de la dotation d’installation en tant que jeunes agriculteurs, il semble que la solution retenue par les Conseils régionaux, désormais compétents pour attribuer cette aide financière est de considérer que seul le membre du couple reconnu comme chef d’exploitation sur le plan juridique est éligible à cette mesure financière. En l’absence de reconnaissance juridique, l’autre membre ne peut prétendre à ce dispositif du fait de sa seule reconnaissance sociale.

d. Couples ayant conclu un PACS

S’agissant des couples liés par un pacte civil de solidarité (PACS), le ministère de l’agriculture a formulé les précisions suivantes : « les personnes ayant conclu un pacte civil de solidarité peuvent exercer leur activité avec le statut de co-exploitant, qui est un véritable statut d'exploitant agricole. Dans ce cas, les partenaires bénéficient des mêmes droits sociaux et sont soumis aux mêmes obligations » (RM Chassaigne JOAN 9/06/2003, n° 9552).

A notre avis, cette solution ne peut concerner que les PACS soumis au régime de l’indivision, sauf à être co-preneurs de baux ruraux en présence de PACS relevant du régime de la séparation.

Dans cette dernière hypothèse, il convient de s’interroger sur le point de savoir dans quelle mesure cette coexploitation pourrait être qualifiée de société de fait. Rappelons que ces dernières entités que sont les sociétés de fait sont exclues des aides financières de la PAC et ne peuvent pas faire application du régime fiscal du micro-BA. A notre connaissance, aucune précision officielle ne semble avoir été formulée en plus de la réponse ministérielle Chassaigne mentionnée ci-dessus.

En toute hypothèse, la reconnaissance du statut social de coexploitant n’apparait pas pouvoir concerner les couples en situation de concubinage, sauf à considérer que l’on est en présence d’une société de fait avec les inconvénients mentionnés ci-dessus.

5. Le statut d’associé exploitant

texte alternatif

En lieu et place des statuts de collaborateur, salarié ou co-exploitant, les deux membres du couple peuvent envisager de travailler ensemble sur un pied d'égalité au sein d’une société civile agricole qui peut être un GAEC, une EARL ou une SCEA. Dans ce cadre, chacun relève en principe du statut d'associé exploitant affilié en tant que tel auprès du régime social agricole en tant que non-salarié agricole.

Ainsi, deux membres d’un même couple peuvent procéder à la création d’une société de droit au sein de laquelle chacun est titulaire de parts sociales tenant compte des apports réalisés par chacune des personnes concernées. A ce titre, chaque personne physique est affiliée comme associé exploitant en tant que non-salarié agricole comme chef d’exploitation.

Dans ce cadre, il faut distinguer deux principales situations : - soit l’entreprise initiale est une entreprise individuelle au nom d’un membre du couple déclaré comme chef d'entreprise individuelle et l'autre relevant du statut de collaborateur (a) ; - soit l'entreprise préexistante est déjà organisée sous la forme d'une société relevant de l'un des statuts mentionnés ci-dessus (GAEC, EARL ou SCEA) avec un conjoint collaborateur non-associé (b).

a. Création d'une société à partir d'une entreprise individuelle préexistante

Dans l'hypothèse où l'entreprise initiale est sous la forme individuelle, l'adoption du statut d'associé exploitant par chacun des membres du couple suppose la création d'une société avec l'apport de l'entité individuelle. A ce titre, il convient de suivre la procédure de création d’une société en choisissant l’une des différentes sociétés civiles agricoles (GAEC, EARL ou SCEA), voire éventuellement une société commerciale (SNC, SARL ou SAS).

Cette solution a en principe pour conséquence la cessation juridique et fiscale de l'activité individuelle apportée à la société nouvellement créée. À ce titre, il convient de déterminer la propriété de l'entreprise individuelle selon le statut matrimonial des personnes concernées ou le régime du PACS applicable (séparation ou indivision). De la même façon, les personnes en situation de concubinage doivent déterminer si l’entreprise individuelle préexistante est un bien personnel de celui qui a le statut de chef d’entreprise ou si cette entreprise appartient en indivision aux intéressés.

Si les intéressés sont mariés sous le régime légal de la communauté, il faut déterminer si l'entreprise individuelle apportée est un bien commun. Dans ce cas, chacun devient titulaire de parts sociales communes qui selon la volonté des intéressés peuvent être réparties à égalité ou selon une autre modalité.

Si l'entreprise individuelle correspond à un bien propre du conjoint déclaré comme chef d'entreprise, il convient de définir les modalités par lesquelles l'autre conjoint non-propriétaire devient associé. Cette modalité peut consister soit en une mutation partielle à titre onéreux ou à titre gratuit par le premier époux au profit du second conjoint, soit par l'apport de bien propres ou de biens communs de l’époux précédemment collaborateur.

Si les époux sont mariés sous le régime de la séparation de biens, l’entreprise individuelle est en principe un bien personnel du conjoint chef d’entreprise. Cela étant, il est possible que l’entreprise appartienne en indivision aux deux époux quand bien même les intéressés sont mariés sous le régime de la séparation de biens. Dans cette dernière situation, chaque personne procède à l’apport de sa quote-part indivise et reçoit au sein de la société nouvellement constituée des parts sociales en conséquence.

Enfin, si les deux membres du couple ont conclu un PACS ou sont en situation de concubinage, il convient d’identifier si l’entreprise est un bien personnel de celui qui a l’entreprise individuelle en son nom ou si cette entreprise appartient en indivision aux deux membres du couple.

Cette appréciation détermine le montant des apports au sein de la société nouvellement créée et la part de capital social de chacun.

b. Evolution d'une société préexistante

La fin du statut de collaborateur peut correspondre à l'hypothèse où l'entreprise en place est déjà organisée sous la forme d'une société. A ce titre, il convient de rappeler que le collaborateur d'un associé exploitant ne peut pas être associé et titulaire de parts sociales au sein de cette société.

Dans ce cadre, il convient de procéder à une modification juridique de la société préexistante afin que le collaborateur mette fin à ce statut et devienne associé titulaire de parts sociales. Si les parts sociales au nom du premier époux sont des biens communs du fait que les intéressés sont mariés sous le régime de la communauté et que les apports initiaux correspondaient à des biens communs, il convient de procéder à un transfert d’une partie des parts sociales du premier époux au second conjoint.

Il convient de rappeler, qu’à ce titre, il ne s'agit pas d'une mutation ni à titre gratuit ni à titre onéreux entre les intéressés. En effet, la finance des droits sociaux appartient aux deux conjoints communs en biens quand bien même un seul a le titre d'associé pour la période initiale.

Dans l'hypothèse où les parts sociales au nom du premier époux constituent des biens propres ou des biens personnels, le second époux relevant par hypothèse du statut de collaborateur doit devenir titulaire de parts sociales.

À ce titre, l'opération peut consister en un apport de nouveaux biens ou de numéraire par le second conjoint. Il peut aussi être procédé à une mutation à titre gratuit par donation ou à une mutation à titre onéreux entre les intéressés.

c. Statuts des associés exploitants

Dès lors que chaque membre du couple devient titulaire de parts sociales au sein de la société nouvellement créée ou de la société préexistante modifiée, le collaborateur perd ce statut pour devenir associé exploitant affilié sur le plan social comme chef d’exploitation non-salarié agricole.

Chaque membre du couple devient personnellement redevable de cotisations sociales sur la part du résultat qui lui est attribuée. Rappelons que si la société est soumise au régime de l’impôt sur le revenu avec l’application d’un régime réel, l’assiette sociale de chacun des associés exploitants non-salariés comprend la rémunération du travail et la part de résultat distribué ou non.

Si la société fait application du régime fiscal du micro-BA, chaque associé est redevable de cotisations sociales sur la quote-part de recettes attribuée à chacun diminuée de l’abattement forfaitaire de 87 %.

d. Bref comparatif des différentes sociétés agricoles

La présentation détaillée des différentes sociétés agricoles excède le cadre de la présente note. Il convient de noter les principales particularités suivantes.

Le GAEC peut désormais être constitué des 2 membres du couple sans autre associé. Cette formule de société est principalement caractérisée par l'application du principe de la transparence. Selon ce principe, les plafonds en valeur absolue applicables en matière fiscale ainsi que dans le domaine de la réglementation économique agricole régie par la PAC sont multipliés par le nombre d'associés (plafond de la surprime des 52 ha, plafonds des ICHN, plafonds des aides couplées des productions animales et végétales…)

De plus, le GAEC peut relever du régime d'imposition simplifié du micro-BA avec une multiplication par le nombre d'associés du plafond de recettes annuelles de 120 000 € hors taxes. Ainsi, un GAEC constitué de 2 membres d'un couple (marié, pacsé ou concubin) peut faire application de ce régime d'imposition des bénéfices dès lors que le montant des recettes annuelles n’excède pas le seuil précité de 120 000 € multiplié par 2, soit 240 000 € hors taxes.

De même, le montant des différents crédits d'impôt applicables en agriculture sont multipliés par le nombre d'associés. Par exemple, un GAEC constitué de 2 personnes en couple peut prétendre à 2 crédits d'impôt au titre de l'agriculture biologique, soit 4 500 € x 2 = 9 000 €.

Cette multiplication des plafonds concerne également les mesures financières de la politique agricole commune lorsque celle-ci font l'objet d'un plafond en hectares ou en nombre d'animaux.

La contrepartie de cet avantage de la transparence des GAEC est que cette société est sous surveillance administrative. La création d'un GAEC suppose l'obtention d'un agrément administratif délivré par le préfet. Ce type de société fait l'objet d'un contrôle administratif régulier. Enfin, les activités professionnelles extérieures des associés supposent une autorisation administrative. Ces activités ne doivent pas en principe excéder un volume horaire annuel de 536 heures par associé.

**L’EARL **peut être composée d'un seul associé auquel cas il s'agit d'une EARL unipersonnelle ou de plusieurs associés correspondant à une EARL pluripersonnelle. L'association des deux membres d'un couple au sein de ce type de société correspond à une EARL pluripersonnelle. Dans cette hypothèse la société relève impérativement d'un régime réel d'imposition des bénéfices agricoles.

Dans cette hypothèse, le régime fiscal simplifié du micro-BA est inapplicable quel que soit le montant des recettes réalisées. De plus, cette formule sociétaire ne peut pas prétendre à l'application de la transparence réservé aux seuls GAEC.

Les EARL ne sont pas soumises à l'obtention d'un agrément administratif et les associés peuvent avoir une activité professionnelle extérieur sans limitation horaire à la différence des GAEC.

La responsabilité financière des associés est limitée aux seuls apports en capital social. Cela étant, il faut le plus souvent relativiser cet avantage dans la mesure où les principaux créanciers exigent que les associés se portent garants en tant que caution afin d'assurer le paiement des dettes de la société défaillante.

La SCEA peut être constituée entre 2 membres d'un même couple. Cette société relève impérativement d'un régime réel d'imposition des bénéfices agricoles, à l'exclusion du micro-BA. Le principe de la transparence des GAEC est inapplicable. Cette société n'est pas soumise à autorisation administrative pour sa constitution. La principale différence avec l’EARL est la responsabilité financière illimitée des associés.

6. Le statut de chef d’exploitation

Parmi les différents statuts possibles des conjoints, l’article L. 321-5 du code rural fait mention du statut de chef d’exploitation.

Cette formulation peut être comprise comme la possibilité pour le conjoint d'être associé exploitant à égalité avec l'autre membre du couple au sein d’une société créée par les intéressés.

Il peut aussi s’agir de la solution qui consiste à ce que la personne concernée par le statut de collaborateur procède à la création d’une entreprise individuelle en son nom.

Dans ce dernier cas, il peut s'agir de l'entreprise individuelle qui précédemment était au nom du premier membre du couple et qui est reprise par le second membre. Dans cette hypothèse, le premier membre cesse son activité d'entrepreneur individuel.

Plus précisément, le conjoint concerné cesse toute activité au sein de l'entreprise. Il peut aussi travailler au sein de l'entité sous un autre statut qui peut être soit celui de salarié ou de collaborateur avec la limitation temporaire de 5 ans qui a pu être appliqué au second membre du couple. En effet, la limitation des 5 ans est propre à chaque personne.

Cette formule de chef d'exploitation peut également être envisagée par la création d'une nouvelle entreprise individuelle au nom du second membre du couple en parallèle de l’entreprise individuelle déjà existante au nom du premier membre du couple. Cette solution a pour effet la coexistence de 2 entreprises individuelles au nom de chacun des intéressés.

Cette formule suppose une véritable autonomie économique et financière de chacune des entités. Dans les faits, le plus souvent, les ateliers de production ne sont pas divisibles en deux entreprises autonomes.

Dans ces conditions, la solution plus adaptée consiste à créer une seule société d'exploitation avec les deux personnes concernées et affiliées comme associés exploitants, voire à procéder à la déclaration sociale d’une coexploitation, pour ceux qui sont rétifs à la création d’une société.

30 sept. 2025 salarié permalien