Petit exercice de diction : je lombricomposte, tu lombricompostes, il lombricomposte, etc. Encore une fois, plus vite… Bien, arrêtons-nous avant de nous embrouiller. Aïe, c’est trop tard ! Mais au fait, de quoi s’agit-il ? Le lombricompostage serait-il plus difficile à dire qu’à faire ? En tout cas, Cyril BORRON et Vincent DUCASSE, deux entrepreneurs associés dans cette activité s’emploient à nous la faire connaître de façon simple et pratique dans un cours en ligne sur la plateforme agrilearn.fr. Du fumier ou de la matière végétale fraîche transformés en compost particulièrement riche par des vers de terre. Voilà tout. Ce sont eux qui travaillent et se multiplient joyeusement ; rien à faire ou presque, on pourrait le croire. Le lombricompostage est pratiqué en France depuis des dizaines d’années ; c’est même une pratique ancestrale tombée en désuétude avec la révolution verte ; il y a toutefois des lombricomposteurs professionnels dans la plupart des régions, mais il connaît un regain d’intérêt, notamment auprès des particuliers et des collectivités. Il devrait se développer, d’autant qu’il demande peu d’investissements. Beaucoup d’agriculteurs pourraient le pratiquer. Alors intéressons-nous à cette activité de valorisation des déchets organiques ruraux et urbains, silencieuse et inodore dont le seul parfum est l’écologie.
Cyril BORRON, paysagiste et « collecteur-valoriste », pratique le lombricompostage depuis plus de quinze ans ; il nous en présente les aspects pratiques qui, on s’en doute, n’ont pas de secrets pour lui. Vincent DUCASSE , enseignant-chercheur à l’ISARA , est titulaire d’un master en agroécologie qui mêle agronomie et gestion de l’environnement : valoriser des déchets urbains par lombricompostage et les ramener à l’agriculture est le sujet de sa thèse publiée en 2023. Ensemble, ils dirigent depuis 2019 la société TERRESTRIS, une entreprise qui recycle des matières organiques de tous types, biodéchets, déchets agricoles, paysagistes, broyats, en les valorisant grâce à des techniques innovantes et saines pour l’environnement. Ils proposent aussi du conseil.
Ces vers de terre que nous connaissons si mal
Eisenia fetida (ver de fumier), Eisenia andrei (ver rouge de Californie), Dendrobaena veneta (Eisenia hortensis), vous connaissez ? Eh bien ce sont les trois espèces de lombriciens élevés pour produire du compost. Trois seulement parmi les quelque 150 espèces connues en France. Et on n’a pas fini d’en découvrir. Il faut dire qu’ils vivent cachés, les malins, le meilleur moyen, dit-on pour vivre heureux. Un scientifique de l’INRA (devenu INRAE), Marcel Bouché, auteur de plusieurs ouvrages, les a classés en 1977 en trois grandes catégories écologiques : épigés, endogés et anéciques.
- Les épigés vivent en surface, à moins de 5 cm de profondeur où ils se nourrissent de matière organique fraîche encore peu décomposée, mais pas de végétaux vivants, creusent peu de galeries, et sont de couleur rougeâtre assez foncée. Ils ont peu d’effets sur l’agrégation des éléments du sol. Les vers de lombriculture appartiennent à cette catégorie.
- Les anéciques, les plus grands vers, creusent des galeries verticales, jusqu’à 1 m de profondeur, et remontent en surface pour se nourrir. Ils enfouissent ainsi de la matière organique et remontent de la matière minérale. Ils sont donc très actifs dans l’agrégation du complexe organo-minéral. Leur couleur va du sombre à la tête au clair à la queue.
- Les endogés, de couleur claire, vivent complètement dans le sol (0 à 40 cm), creusent beaucoup de galeries, se nourrissent principalement de matière minérale et du peu de matière organique qu’elle contient.
Pourquoi nous intéresser aux vers de terre ? Pas seulement parce qu’ils nourrissent les merles, les poules et d’autres oiseaux, mais bien parce qu’ils jouent un rôle fondamental dans la vie, le drainage et la fertilité du sol. Oubliez les charrues et les engrais, les vers de terre sont là ! Rappelons à ce sujet le passionnant cours en ligne d’Alain PEETERS sur l’agroécologie.
Ingénieurs du sol
Vincent DUCASSE appelle ingénieurs du sol les fourmis, termites et… vers de terre, qui font partie de la macro-faune du sol. Ils ingèrent en effet de la matière organique et de la matière minérale, les assemblent et fabriquent le complexe organo-minéral qui stabilise la matière organique sous forme d’humus issu de sa dégradation. Or le complexe organo-minéral, précédemment appelé argilo-humique, est un constituant essentiel du sol. Il résulte de l’agrégation de feuillets d’argile et d’humus chargés négativement avec des ions positifs Mg++, Ca++, Fe++, K+…
Ces cations proviennent de la très lente dégradation de la roche mère sur des milliers voire des millions d’années. Ainsi, le profil du sol, au-dessus de la roche mère, est formé d’une couche minérale, d’une couche organo-minérale et d’humus en surface. La remontée des éléments minéraux et le brassage incessant sont produits par les organismes vivants du sol, micro et macrofaune, ainsi que les indispensables microorganismes, bactéries, protozoaires, champignons, microalgues, archées, qui finissent le travail de décomposition en matière organique stable (carbone fixé dans le sol) à décomposition lente. Et une partie rejoint les éléments solubles dans la solution du sol, à la disposition des plantes qui s’en nourrissent. Elles ne peuvent absorber que des éléments solubles, et encore, par l’entremise des champignons. La fertilité du sol repose donc, entre autres, sur des processus continus de décomposition de la matière minérale et de la matière organique, en présence d’air et d’eau.
Le sol est formé d’agrégats
Vincent DUCASSE explique la formation du sol et sa composition faite d’agrégats qui constituent la structure du sol : macro-agrégats qui contiennent de la solution de sol, des microorganismes très nombreux et actifs, des espaces laissant passer les racines, de la matière organique, des micro-agrégats d’argiles, minéraux et matière organique, le tout lié par un ciment et des hyphes, structures filamenteuses des champignons. En outre toute une faune circule entre ces agrégats, dont les vers de terre sont un élément essentiel à toutes les étapes de la dégradation de la matière organique. On estime que la faune du sol représente 23 % de la biodiversité, mais encore trop peu étudiée. La science du sol, riche et complexe, mérite d’être approfondie. Quoi qu’il en soit, le rôle des vers de terre, on le sait de plus en plus, est déterminant.
Valoriser les déchets pour l’agriculture
Les fermes d’élevage produisent des déjections ; les ménages et la restauration collective produisent des biodéchets ; les jardins également. Savez-vous, indique Cyril BORRON, que chacun de nous produit environ 100 kg de déchets organiques par an dont 70 kg sont lombricompostables ? Leur élimination coûte cher à la collectivité, 28 millions d’euros, par exemple, pour la Métropole de Lyon. D’où l’idée de les valoriser en les rendant à l’agriculture et aux jardins. Mais pour cela il faut les transformer. Puisque les lombrics sont tellement efficaces dans la dégradation de la matière organique, mettons-les au travail sur nos déchets dont ils raffolent. L’idée est simple ; c’est le lombricompostage. Il est toutefois nécessaire de produire des vers de terre ; c’est la lombriculture. Les deux vont de pair mais avec une technique un peu différente.
Pour l’agriculture, l’intérêt est évident : le lombricompost, constitué principalement des déjections des vers est un excellent amendement et même un fertilisant, bien plus riche qu’un compost classique où la décomposition est uniquement due aux microorganismes. Il retient trois fois son poids en eau, remet de la vie dans le sol, augmente les rendements, diminue le recours aux engrais de synthèse. Le lombricompost est riche en humus, en enzymes, en hormones de croissance, en flore bactérienne et champignons, soit un amendement du sol idéal pour la croissance des plantes.
Lombricompostage agricole
Le lombricompostage peut se pratiquer en plein champ où Cyril BORRON installe la matière en andains de 20 m de long, 3 m de large, 1 m de haut. Il s’agit de fumier de bovin d’un GAEC laitier, et sur une autre plateforme de fumier d’équins (substrat idéal), et encore de biodéchets issus de la collecte de restaurants, en mélange avec des déchets d’espaces verts. Les lombrics Eisenia fetida vivent dans le mélange de matières carbonées et azotées : la paille et les excréments apportent les unes et les autres.
Le compostage classique (sans lombrics) sur terre agricole produit des gaz (CO2 et méthane CH4) et des jus azotés qui descendent dans le sol. En compostage industriel, les plateformes sont donc bétonnées pour limiter la pollution. En lombricompostage, au contraire, aucune pollution car les vers retraitent la matière dans le sol quand elle a tendance à se lessiver.
Lombriculture : croissez et multipliez
Les vers sont voraces. Quand la nourriture est suffisante, ils ingèrent chaque jour la moitié environ de leur poids. En lombricompostage, nous dit Cyril BORRON, les vers se reproduisent juste pour compenser les morts. En lombriculture, en revanche, on accélère la reproduction en enrichissant continuellement le substrat ; ils peuvent alors ingérer jusqu’à leur poids. L’abondance de nourriture fraîche les incite à s’accoupler, produisant des cocons d’où éclosent des vers juvéniles qui deviennent adultes au bout de trois mois. La maturité sexuelle se manifeste par une boursouflure, le clitellum, bague protubérante, à proximité de la tête entre le 31e et le 38e segment. Les lombrics se reproduisent très rapidement si les conditions sont favorables : une nourriture adaptée, une hygrométrie assez élevée, de l’air et une température moyenne de 20°C.
Hermaphrodites, les vers s'accouplent en collant leur face ventrale, tête-bêche. Le clitellum de chaque ver sécrète alors du mucus ; ils échangent leurs spermatozoïdes. Cette sécrétion visqueuse entoure et unit étroitement les deux vers entre les 9e et 38e segments. Dans la colonie de lombrics, on trouve des vers adultes, des cocons et des vers juvéniles qui attestent d’une reproduction dynamique.
Pour garantir à leur élevage une nourriture de qualité, nos lombriculteurs collectent deux fois par semaine les biodéchets de leur réseau de restaurants et autres fournisseurs.
Récolte du lombricompost
Quand le lombricompost est mûr, c’est-à-dire quand la matière est à peu près complètement transformée, le producteur fait migrer les lombrics vers une autre matière. Cyril BORRON montre comment effectuer cette migration en disposant un andain de matière fraîche (fumier ou mélange de bois broyé et biodéchets de restauration ou d’industrie agroalimentaire) le long de celui qui est à récolter, en contact avec lui. Attirés par la nourriture, les lombrics s’empressent de migrer. Il suffit alors d’évacuer le lombricompost à la tractopelle. Le nouvel andain est déjà en train de se transformer en litière ; on le complète en biodéchets.
Installer une plateforme de lombricompostage
Il est dans la vocation de TERRESTRIS de fournir aux porteurs de projet la matière nécessaire à leur installation en lombricompostage : litière et lombrics. La société fournit des big-bags de litière de 200 l correspondant à 1 m2 au sol, avec 3 à 5 kg de vers. Au démarrage de son activité, il appartient au lombriculteur agricole de commencer par multiplier son cheptel de lombrics ; cette lombriculture nécessite de doubler le substrat. Il y a un équilibre subtil à respecter : une densité trop forte de vers nuit à la reproduction faute de nourriture suffisante ; une densité trop faible produit le même effet car les vers se dispersent dans le substrat et ne se croisent pas. Une technique à maîtriser ! Nos deux spécialistes sont là pour éclairer le pratiquant de leurs conseils. Quand le cheptel est suffisant, commence le lombricompostage.
Cyril BORRON ne s’adresse pas qu’aux agriculteurs. TERRESTRIS propose aussi le lombricompostage aux particuliers, notamment en ville, au pied de l’immeuble ou même à la cave, sur le balcon et, pourquoi pas, dans la cuisine ! Au cours de son exposé, il présente un lombricomposteur individuel composé de plusieurs étages en bois. C’est propre et inodore. Mais le collectif reste selon lui préférable. Sont exclus les déchets carnés, fromages, yaourts et huiles. Ces dernières sont recyclées dans d’autres filières. En lombricompostage agricole, des techniques permettent toutefois de traiter les déchets carnés.
Extraire les vers de terre pour les commercialiser
Les lombrics fuient la lumière. C’est ce comportement qui permet de les rassembler pour les mettre en sacs et les expédier aux clients. Vincent DUCASSE pratique cette extraction à la main dans une cave à température constante (20°) où la matière riche en vers est étalée sur une table très éclairée. Toutes les demi-heures, il enlève la couche supérieure vidée de ses habitants, jusqu’à trouver au fond tous les lombrics. D’autres producteurs utilisent un moyen mécanique pour extraire les vers.
Conduire une plateforme de lombricompostage
Cyril et Vincent nous emmènent au GAEC du Mûrier, dans la Loire, où ils disposent d’un bout de terre en bordure de chemin où ils ont installé depuis plusieurs années une plateforme de lombricompostage. Il s’agit d’une ferme laitière et avicole bio qui produit 1000 t de fumier/an, dont une partie est lombricompostée, appelée sans doute à se développer.
On est en juillet, un andain mûr est à récolter la semaine prochaine, ± 40 m3, soit 30-35 t environ. À ce stade, puisque 80 % environ du substrat est digéré par les vers, ils ne se reproduisent plus guère. Quelques adventices ont poussé dessus mais Cyril BORRON ne s’en inquiète pas car, dit-il, les lombrics attardés dans le substrat vont manger les herbes arrachées et les graines d’adventices quand le lombricompostage sera en tas. Depuis un mois, l’andain de migration est en place, formé de fumier frais et de biodéchets, les vers sont en train de migrer en masse. Une fourchée retournée montre une grosse densité de vers en bordure de l’andain de migration. On va bientôt le recharger en substrat ; les vers vont coloniser tout l’espace et recommencer à s’accoupler.
Cyril BORRON retrouve un sachet de thé… intact. Aïe ! Les déchets plastiques comme celui-ci ou les liens des bottes de radis, entre autres, posent problème à nos lombriculteurs qui les éliminent manuellement. Ils s’efforcent surtout de les éviter en amont en informant les fournisseurs de biodéchets, invitant ceux-ci à faire pression sur leurs fournisseurs. Un travail de persuasion de longue haleine. Les composteurs traditionnels pratiquent souvent le broyage du compost qui disperse malheureusement le plastique dans les sols.
Assurer une production continue
Pour vendre du ver et du lombricompost toute l’année, il faut des andains décalés, donc plusieurs plateformes. En fonction de la saison on gère la hauteur des andains, hauts en hiver pour que les vers soient au chaud, faibles en été et arrosés pour éviter la montée en température. Se rapprocher en toute saison des 20°C théoriques moyens, favorables aux lombrics. Ne pas dépasser 30°C.
En matière de volume, Vincent DUCASSE indique que le fumier est réduit des 2/3 par le lombricompostage. Armé d’une fourche et d’une grande bassine, Vincent récolte du ver le long de l’andain de migration où la concentration est élevée. Il vérifie en même temps l’état de la population et sa densité. Il prélève une fourchée tous les mètres environ. Il fera le tri au retour dans la cave.
Peu de machines, pas de gaspillage, respect de l’environnement
TERRESTRIS pratique un système « low-tech », comme le dit Vincent DUCASSE. Peu de travail mécanique en effet, sauf pour le chargement du fumier et la récolte du lombricompost. Pas de retournage d’andain. L’écosystème est géré avec de l’eau et la densité de matière, en fonction des saisons.
Par rapport à un compostage classique, il n’y a pas ici de retournement, pas de chauffe du substrat, pas de perte de gaz (CO2, NH4, N2O) à effet de serre ; le dernier est en outre un puissant destructeur de la couche d’ozone. Ainsi, ce système évite les pertes de carbone et d’azote par échappement de gaz et par lessivage. Tous les nutriments sont conservés dans le lombricompost. En outre il produit un carbone très stable qui entre dans le complexe organo-minéral du sol (50 % du produit est très stable,) et une partie très minéralisée, directement utilisable par les plantes. En revanche, le lombricompostage demande davantage de surface au sol que le compostage classique.
Le lombricompost a un effet structurant du sol grâce à sa rétention en eau importante et au stockage de matière organique. Il augmente en outre la biodiversité du sol. On observe un effet sur les rendements dès la première année. Les vers mangent les microorganismes, les déplacent, favorisent une très forte abondance et une diversité de microorganismes, alors qu’en compostage classique qui est pourtant une transformation bactérienne, il y a surtout des bactéries thermophiles, celles qui résistent à la chaleur.
Utilisation du lombricompost
L’andain que nous montre Vincent DUCASSE est un mélange de fumier de bovin et de biodéchets. Ceux-ci augmentent la teneur en NPK du fumier et sa richesse microbiologique. Le lombricompost ne brûle pas les racines mais pour définir les quantités à utiliser en agriculture, il est préférable de pratiquer une analyse de terre et une analyse du produit car la qualité du lombricompost varie, on s’en doute, en fonction des intrants. Vincent DUCASSE donne toutefois quelques indications : • En culture : 10 à 30 t/ha. • En paysage, gazons : 3 à 5 kg/m2. • Horticulture jusqu’à 30 % du substrat de production. • Prairie : 5 à 10 t/ha. Naturellement, c’est en prairie permanente qu’il y a le plus de vers de terre présents naturellement, moins en prairie temporaire. • Thé de lombricompost, utilisé en arboriculture pour la protection contre les ravageurs.
Collecte des biodéchets
Cyril et Vincent collectent des biodéchets en ville dans différents établissements, d’où une variété de matières selon leur provenance : restaurants, cantines, boulangerie, brasserie, distributeurs de café… et en outre, des fournisseurs leur apportent directement des produits de champignonnières, d’élagage, d’entretien de jardins. La diversité des matières engendre de l’hétérogénéité dans l’andain, plus ou moins appréciée par les lombriciens qui se déplacent vers les mets de choix. Les drèches de brasserie, par exemple ont beaucoup d’appétence.
Nos guides nous montrent, sur leur plateforme périurbaine, un andain de 30 m de long sur 1,5 m de large, pas très haut, riche en broyats d’élagage (idéalement du bois blanc) le long duquel Vincent dispose les 28 fûts collectés ce matin en ville. Plusieurs contiennent des déchets plastiques à trier à la main avec une pince à déchets. Certains produits de table ou de cuisine sont même jetés non consommés avec leur emballage. Dans les fumiers de centre équestre, nous dit Cyril BORRON, on trouve des cravaches et des brosses. Ils sont contraints de facturer le tri aux fournisseurs. Mieux vaut former les salariés des métiers de bouche, cuisiniers et autres, à trier les déchets à la source.
Cette plateforme compte trois andains sur un site ombragé, un peu abrité du vent, favorable à la biodiversité, riche en auxiliaires (collemboles, cloportes, vers anéciques…). Les andains sont conduits différemment selon leur composition, dont un extensif où il y a du gazon et des branches qui seront digérées lentement grâce à des déchets de champignonnière.
Une préparation soigneuse du substrat et des essais
Le contenu des fûts, vidé en bordure de l’andain, n’est pas étalé. Les biodéchets sont très azotés ; Vincent DUCASSE y rajoute du carbone sous forme, ici, de broyat de bois issu de taille de haies, en volume équivalent aux biodéchets, une brouettée pour deux fûts, répartie selon la nature des biodéchets. La matière sèche absorbe des jus et gonfle. Le broyat en tas a tendance à chauffer ; on le prélève en surface pour qu’il soit moins chaud et plus humide sinon les vers s’en écarteraient. Le mélange des matières a lieu ensuite.
Un essai est prévu à l’automne, annonce Vincent DUCASSE, de valorisation des déchets carnés. Il s’agit d’apporter aux collègues qui se lancent dans le lombricompostage des solutions clé en main pour tous les types de déchets. Des essais sont déjà en cours sur le marc de café. Un beau programme.
Une fois vidés, les fûts sont lavés. Étant donné l’importance de la manutention, nos entrepreneurs éprouvent le besoin de quelques équipements complémentaires : une basculeuse de fûts qu’ils vont bricoler eux-mêmes et une laveuse de fûts.
Lombricompostage urbain
Nous voilà en ville sous la conduite de Cyril BORRON qui inspecte de gros bacs collectifs de lombricompostage en pied d’immeuble, qui reçoivent des déchets de cuisine, épluchures et cartons, de 50 à 70 foyers. Un m2 de bac retraite environ une tonne de déchets par an.
Deux bacs sont disposés côte à côte. Les vers migrent de l’un à l’autre quand ils ont digéré la majeure partie du substrat de l’un. Pas besoin de retourner la matière comme en compostage classique, pas de jus ni d’odeurs. Au départ, on remplit le fond du bac de litière et on y introduit les vers. Cyril constate que le démarrage, ici, n’a pas fonctionné, sans doute parce que les biodéchets, apportés en grande quantité ont vu les lombrics se disperser et oublier de se reproduire. Il va falloir y apporter un supplément de vers.
Dans un autre quartier, à l’inverse, le lombricompostage fonctionne à merveille ; la densité de vers est remarquable ; nous le voyons. Le lombricompost produit est mis à disposition des habitants pour leur coin de jardin et leurs plantes d’appartement. Une belle valorisation des déchets de cuisine qui nécessite évidemment de l’information et un accompagnement des habitants volontaires par des référents formés et une association qui en assure le suivi.
Dans leur cours en ligne très instructif, scientifiquement fondé et largement pratique, Cyril BORRON et Vincent DUCASSE apportent une ouverture sur une activité encore insuffisamment connue, la lombriculture et le lombricompostage qu’ils pratiquent en activité principale mais que les agriculteurs et porteurs de projet peuvent envisager, évidemment, en activité de diversification. Les informations contenues dans les vidéos de la plateforme www.agrilearn.fr sont précieuses en première approche et pourront être complétées par des conseils personnalisés accompagnant la fourniture de la litière et des lombrics qui permettent de démarrer. Nos entrepreneurs nous éveillent aussi au lombricompostage urbain qui apporte une réponse adaptée aux problèmes des biodéchets urbains que la loi n’autorise plus à jeter à la poubelle. Nous connaissions sans doute déjà tout l’intérêt du compostage classique, dégradation de la matière organique par les microorganismes. Mais nous découvrons dans ces vidéos le saut qualitatif important qu’apporte le travail des vers de terre dans les fumiers et les déchets végétaux : pas de retournement, pas de pollution, produit de haute qualité pour le jardin, le maraîchage, l’agriculture, à la fois amendement du sol et fertilisant. Un bel avenir devrait être promis au lombricompostage.